Pour Fabrice Rémon, de la société de conseil aux actionnaires Deminor, le gouvernement doit aller plus loin que le décret encadrant les rémunérations exceptionnelles dans les entreprises qu'il aide.
Etait-il nécessaire, selon vous, de réglementer les rémunérations exceptionnelles des dirigeants d'entreprise, comme le gouvernement s'apprête à le faire ?
Le périmètre des rémunérations variables, qui seront interdites par le décret, n'est pas encore très clair. Que préconisez-vous ?
Ce qui est important, c'est que toutes ces rémunérations soient concernées : les stock-options, les bonus, les actions gratuites, les parachutes dorés, et aussi les retraites complémentaires. Sinon, tout sera reporté sur ce que le décret n'aura pas pris en compte...
Selon certaines sources, le décret interdira de telles rémunérations seulement jusqu'à fin 2010...
2010, c'est l'année prochaine ! Il ne faudrait pas qu'un délai aussi court donne lieu à un "rattrapage" inadmissible dès 2011, une fois la pression de l'opinion publique retombée. Une politique de rémunérations doit s'inscrire dans la durée si elle se veut efficace et compréhensible et être un outil de management et de motivation efficace.
Seules les entreprises aidées par l'Etat seront concernées. Cela vous semble-t-il juste ?
Le décret s'appliquera à un très petit nombre d'entreprises – des banques et des constructeurs automobiles. Mais il n'y a pas de raison de "moraliser" seulement celles qui ont reçu des aides publiques. Pourquoi les petits actionnaires qui apportent leurs propres deniers, et prennent ainsi des risques, ne pourraient pas bénéficier de la même protection et de la même éthique que l'Etat ? Le gouvernement s'est attaqué au plus facile. Maintenant, il faudrait un réglement ou une loi qui empêche les dérapages dans toutes les entreprises qui connaissent des résultats catastrophiques. Mais il est vrai qu'il est très compliqué d'imposer des règles générales à des cas particuliers. Ainsi, il ne faut pas systématiquement supprimer les bonus au sein d'une filiale qui n'a pas démérité, au prétexte que les dirigeants de la maison mère ont échoué. Les parachutes dorés ne sont pas acceptables pour les dirigeants évincés parce qu'ils n'ont pas été à la hauteur, mais peuvent l'être pour un dirigeant qui a bien développé l'entreprise, au point de susciter son rachat... Il faut aussi faire attention à l'arme fiscale : si l'Etat augmente la taxation des rétributions exceptionnelles, les dirigeants d'entreprises risquent d'en demander plus, afin de toucher, après impôts, autant qu'auparavant ! Les grands perdants seraient les actionnaires.
Dans un premier temps, on pourrait imaginer que les comités de rémunérations, composés de quelques administrateurs, ne se contentent plus de donner un avis au reste du conseil d'administration, mais étayent et justifient publiquement et dans les détails pourquoi ils préconisent d'accorder des rémunérations exceptionnelles. Il est impératif de les mettre devant leurs responsabilités.