mardi 12 mai 2009

Rapport Darrois : le collectif de défense des juristes d’entreprise denonce l’O.P.A. hostile des avocats sur la fonction juridique en entreprise


Rapport Darrois : le collectif de défense des juristes d’entreprise denonce l’O.P.A. hostile des avocats sur la fonction juridique en entreprise


C'est pas gagné...

Les juristes d’entreprise ont pu à leur tour (soit bien longtemps après les avocats), prendre connaissance du « Rapport Darrois ».

A cet égard nous regrettons que ce document n’ait pas été diffusé simultanément à l’ensemble des professionnels du droit, ce qui aurait permis d’éviter une importante rupture d’égalité entre les parties concernées, dont la représentation auprès des pouvoirs publics et de la presse est déjà suffisamment inégalitaire.

D’une manière générale, nous nous étonnons de ce que les propositions de la Commission Darrois aux fins de bâtir la "Grande Profession du Droit" à la française ne tendent en pratique qu’à réserver aux seuls titulaires du titre d’ « avocat » le monopole du conseil juridique aux entreprises.

La profession de juriste d’entreprise étant dès lors vouée à disparaître, les juristes d’entreprise qui ne voudraient pas être relégués à des postes d’assistanat, voire au chômage, seraient contraints de subir les aléas et les lenteurs d’une passerelle transitoire, accessible exclusivement à ceux qui pourront satisfaire « les critères définis par la jurisprudence de la Cour de cassation élaborée à partir du dispositif de passerelle en y ajoutant la prise en considération de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger »…. (cf. p. 31 du Rapport) dans un délai de huit ans.

La nature ambiguë et aléatoire de cette nouvelle passerelle est la source d’une vive inquiétude parmi les juristes, qui jugent le procédé illégitime et arbitraire puisqu’il ne s’agit que d’obtenir un titre qui au final, ne leur apportera rien d’autre que la faculté de continuer à exercer leur propre métier… en payant, de surcroit, des cotisations à l’Ordre.

En effet, le rapport précise que les titulaires du titre « Avocat en Entreprise » n’auront pas la possibilité de développer une clientèle personnelle ou de plaider (contrairement à la passerelle actuellement en vigueur qui permet d’accéder au statut d’Avocat de plein exercice, ce qui pouvait, en partie, justifier les critères posés par la Cour de Cassation).

Et tout cela au détriment :

• des perspectives de carrière et de la mobilité des diplômés en droit de l’Enseignement Supérieur exerçant en entreprise (et/ou cabinet, association etc…) ou à la recherche d’un emploi qui ne rempliront pas toutes les conditions requises pour bénéficier de la passerelle ;

• des débouchés des futurs diplômés en droit non titulaires du CAPA qui souffrent déjà assez, ainsi que leurs familles, de l’inflation des diplômes ;

• des entreprises qui devront gérer des « salariés indépendants » et privilégiés, ainsi que l’atmosphère délétère qui résultera de la coexistence de statuts inégalitaires au sein des services juridiques ;

• des consommateurs de prestations juridiques et judiciaires qui auront du mal à cerner les compétences réelles sous le titre unique d’ « avocat » ;

• et, au final, de la « Transparence » pourtant exigée par la France lors du dernier G20.

Ces propositions sont d’autant plus contestables qu’il est de notoriété publique que la formation dispensée par l’Ecole Française du Barreau est inadaptée aux besoins des Entreprises, et ce malgré les réformes menées dans la précipitation par les institutions ordinales depuis 2006 pour « occuper » ce terrain, fertilisé grâce aux labeurs des « simples » juristes, qui ont su, patiemment, faire évoluer leurs fonctions avec intelligence, pragmatisme, humilité et éthique.

En outre, nous rappelons que l’extension, voire le maintien du monopôle des avocats en droit des affaires est justement contraire à l’esprit de la Directive « Services » (2006/123/CE) devant être transposée en droit interne avant le 28 décembre 2009, qui prône la libéralisation des services, la suppression des monopoles injustifiés et des rentes de situation.

Faisant fi de cette directive, la Commission Darrois persiste à raisonner en termes de fermeture du marché du droit au seul profit des titulaires du titre d’avocat.

Paradoxalement, il est plus aisé de devenir avocat en France lorsque l’on est ingénieur (exemple des CPI – conseils en propriété industrielle) voire avocat ou juriste d’entreprise à l’étranger (certains pays n’opèrent pas de distinction), que lorsque l’on est diplômé en droit français, grâce aux passerelles qui sont offertes dans le cadre de l’UE ou par le biais de traités bilatéraux.

Cette différence de traitement est intolérable à l’heure où pèsent de nouvelles menaces de délocalisation et de dumping des prestations juridiques, et où le système de Common Law tente de s’imposer comme cadre juridique de référence.

Aussi, le simple bon sens voudrait que l’on accorde aux juristes titulaires d’un Master I en droit français (déjà le socle commun de toutes les professions du droit) un statut à part entière, qui leur confèrerait la mobilité qui leur fait défaut entre les différents métiers du droit et à l’international.

Un point positif néanmoins : nous sommes favorables à l’instauration d’un Haut Conseil des Professions du Droit à condition que les juristes d’entreprise ainsi que les étudiants en droit y soient dûment représentés.

En conclusion, nous espérons que les réformes en cours d’étude reposeront sur de réelles réflexions de fond quant à la structure de la future "grande profession du Droit" qu’elles sont censées bâtir, et non sur la protection d’intérêts particuliers et/ou corporatistes, trop souvent privilégiés au détriment de l’intérêt général et des perspectives d’avenir que nous nous devons d’offrir aux jeunes générations, surtout en cette période de crise.

En tout état de cause, nous souhaitons désormais être directement associés aux débats relatifs à l’évolution de notre profession, car nous ne nous sentons pas représentés par les associations auditionnées par la Commission Darrois.

Contact : Collectif de défense de la profession de juriste d’entreprise

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