lundi 20 avril 2009

délit d'initié


A retenir notamment dans ces affaires de Droit boursier :

LA DIRECTIVE « ABUS DE MARCHE » définie l’information privilégiée comme :  «  Une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un plusieurs instruments financiers et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés ».

Passage intéressant sur la responsabilité et le préjudice subi par les actionnaires du fait d’une manipulation de cours lié à un délit d’initié :

« Le cours des actions cotées en bourse, présente, en soi, un caractère spéculatif. La notion de risque est une donnée devant être prise en compte par l’investisseur ».

« La perte d’une chance en achetant ou en conservant des titres dont les perspectives prometteuses étaient manifestement suréevaluées. Leur liberté de choix a été faussée et un préjudice direct leur a ainsi été causé… »



 

Droit boursier

4. INFORMATION DU PUBLIC

Le fait pour le président d'un groupe de sociétés, le secrétaire général et le comptable d'avoir mis en place une comptabilité occulte sur plusieurs années constitue le délit d'établissement de faux bilans et un manquement à l'obligation d'information du public.

Ces dirigeants se rendent également coupables de délit d'initié dès lors qu'ils ont passé sciemment des ordres de bourse sur les titres de la société quelques jours avant l'annonce au public de la mise au point d'un procédé novateur et donc en fonction d'une information privilégiée dont ils ont tiré un avantage injustifié.

Le président du groupe est, par ailleurs, coupable de diffusion d'informations mensongères en ce qu'il a annoncé de nouvelles commandes sans aucune réalité. Ces faits présentent une incontestable gravité dans la mesure où, avec persistance, ils trompent non seulement les interlocuteurs habituels du groupe mais aussi les actionnaires particuliers de la société.

Cette dernière est recevable à se constituer partie civile et obtenir réparation de l'atteinte portée à son image en raison des délits commis, sans que sa responsabilité ne soit engagée vis-à-vis de ses actionnaires.

Ceux-ci sont recevables dans leur action en réparation du préjudice direct résultant de la commission d'infractions causées par les dirigeants de la société dont ils détenaient une part et qui ont intentionnellement abusé des prérogatives qu'ils détenaient alors que la société faisait appel public à l'épargne. Cette action peut être intentée concurremment contre les dirigeants personnellement auteurs des infractions et contre la société en tant que civilement responsable de ses dirigeants.

Fondement : Règl. COB., no 90-08 et no 98-07 ; C. mon. fin., art. L. 621-16 ; C. civ., art. 1382 et 1384

T. Corr. Paris, 12 sept. 2006, no 0018992026, Sidel

LE TRIBUNAL

I - SUR L'ACTION PUBLIQUE

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PRÉSENTATION DE COMPTES INEXACTS POUR LES EXERCICES CLOS LES 31 DÉCEMBRE 1998 ET 31 DÉCEMBRE 1999

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Sur ce le Tribunal

Il résulte des éléments de l'espèce que des manipulations ont été opérées sur les comptes et portant sur la valeur des stocks par des écritures au journal « opérations diverses ».

Ces écritures ont été intégrées dans les comptes annuels présentés aux assemblées générales clôturant les exercices 1998 et 1999.

De même, elles ont été incluses dans les communications financières prévues pour les sociétés comme Sidel faisant appel public à l'épargne.

Ces procédés ont été reconnus par les différentes personnes qui ont eu à intervenir dans les comptes et principalement, le comptable qui n'a été qu'un exécutant, le président du groupe F. O. qui en a été l'initiateur et le secrétaire général L. D. V. qui l'a mis en place en toute connaissance de cause.

Ce système a donné lieu à l'établissement d'une comptabilité parallèle connue seulement du comptable, de L. D. V. et de F. O. Cette comptabilité occulte a été réalisée sur plusieurs années. Elle n'a été révélée que dans les circonstances particulières de la prise de contrôle de la société Sidel par Tetra-Laval qui n'aurait pas manqué d'agir, si ce fait ne lui avait pas été indiqué.

Il s'agissait donc d'une pratique, irrégulière en contradiction formelle avec les règles en vigueur applicables aux sociétés faisant appel public à l'épargne.

Sur l'importance de la fraude la COB donnait l'avis suivant :

« Au-delà d'un "lissage" des résultats, il s'agit d'un véritable système de cavalerie de report de charges, consistant à diminuer une partie du coût de production d'une machine facturée au titre d'un d'exercice pour le reporter sur une machine en cours de production à la fin du même exercice, transfert de charges faisant l'objet d'un état de suivi occulte individualisé machine par machine. La répétition de ces irrégularités et leur accentuation sur chacun des exercices de la période 1995-2000, l'année 1998 faisant exception, a conduit à des chiffres cumulés significatifs dépassant l'effet de "lissage" allégué par M. O. ».

« Au total, la communication financière de la société Sidel a été faussée tant au plan des perspectives de développement qu'au plan de la présentation des comptes, ôtant son caractère d'exactitude et de sincérité à la communication de M. O. et de la société qu'il préside, constat aggravé par la mise en évidence de manoeuvres délictueuses. »

« L'ensemble de ces faits est susceptible de constituer un manquement au règlement no 98-07 de la Commission relatif à l'obligation d'information du public. »

Ils caractérisent également le délit visé à la prévention sur l'établissement de faux bilans, en effet les bilans doivent être établis sur des écritures régulières et sincères ce qui est loin d'être le cas. Les montants en définitive régularisés visés à la prévention, sont de plusieurs millions d'euros.

Les manipulations comptables constatées, (dont le montant ne doit pas être exagéré compte tenu du chiffre d'affaires et de la marge du groupe), avaient pour but de faire croire aux interlocuteurs de Sidel, en particulier aux actionnaires à une situation, portant sur les résultats et les marges, meilleure qu'elle ne l'était en réalité.

Les éléments constitutifs du délit de présentation de comptes inexacts et de complicité sont caractérisés.

Les prévenus seront en conséquence retenus dans les liens de la prévention.

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Le délit d'initié

Sur ce le Tribunal

Sur le fond

Les faits sont établis par les éléments ci-dessus exposés.

Selon les témoignages recueillis, ce n'est qu'un mois environ avant le 29 avril que F. O. a décidé d'annoncer la mise au point du procédé Actis à la presse. L'imminence de cette annonce constituait une information privilégiée au sens de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier.

L. D. V. et J.-P. L. ont reconnu avoir transmis à M. R.-K. un ordre d'achat de titres Sidel quelques jours avant le 29 avril, alors qu'ils disposaient d'une information privilégiée.

Sur l'intention délictueuse

M. D. V., secrétaire Général et administrateur de Sidel SA, n'a pas contesté être informé de l'annonce prochaine de la mise au point du procédé Actis.

Il invoque la maladresse et l'absence d'intention délictueuse.

Il fait valoir qu'il a ainsi passé des ordres contradictoires de vente puis d'achat puis de vente dans un bref délai alors qu'il ne pensait pas au moment où il a passé ces ordres, à l'information sur Actis.

L'intention délictueuse est caractérisée en matière de délit d'initié par le détenteur d'une information privilégiée non connue du public, qui se livre sciemment à la passation d'un ordre de bourse sur cette action.

Il ne saurait invoquer les mobiles prétendus qui l'ont inspiré ni ses états d'âmes sur lesquels il ne produit aucun élément alors qu'il est constant qu'il a fait passer des ordres d'achat de 10 000 titres les 26 et 27 avril 1999 alors qu'il savait qu'une annonce de première importance devait être faite dans les jours qui suivaient.

M. D. V. a ensuite vendu 30 000 titres les 29 et 30 avril 1999, le jour même et le lendemain de l'annonce officielle au marché de la mise au point du procédé Actis par la société Sidel.

Il résulte des pièces versées au dossier que L. D. V. avait passé un ordre de vente à cours limité à 90 €, ce point signifie qu'il entendait sans équivoque possible réaliser une plus-value sur cette opération.

Ces ordres de revente ont été exécutés dans un délai très rapide après l'ordre d'achat, en raison de la « flambée du titre Sidel » consécutive à l'annonce faite.

Il est constant qu'il a bien réalisé la plus-value envisagée. Il ne saurait se prévaloir du fait que le titre a continué à monter après, et qu'il aurait pu réaliser une plus-value encore plus importante. Cette argumentation est sans valeur au regard du fait qu'il a admis avoir bénéficié d'une information privilégiée et qu'en conséquence, il devait s'abstenir de tout mouvement sur le titre concerné.

Cette opération s'est matérialisée par une plus-value de 488 032 francs, soit 75 520 €.

J.-P. L., quant à lui, a acquis quelques jours avant cette annonce et alors responsable des filiales étrangères de Sidel, c'est-à-dire les 26 et 27 avril 1999, 2 000 titres Sidel à un cours moyen de 82,44 € par action, ce qui représentait donc un investissement de 164 880 €. Il ne contestait pas avoir été informé de l'annonce dans les jours qui suivaient de l'annonce de la mise au point du procédé Actis.

Ces titres ont été revendus le 29 mai 1999 à 104 €, ce qui lui a permis de dégager une plus-value de 43 120 €.

Sur le délit d'initié

Il est de droit que le comportement de détenteurs des informations confidentielles ne doit pas fausser le fonctionnement du marché ni porter atteinte à l'égalité de l'information et procurer un avantage injustifié.

L'article 1er, 5e alinéa du règlement COB no 90-08, relatif à l'utilisation d'une information privilégiée prévoit que : « le terme information privilégiée signifie une information non publique, précise, concernant un ou plusieurs émetteurs, une ou plusieurs valeurs mobilières, un ou plusieurs contrats à terme négociables, un ou plusieurs produits financiers cotés qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur, du contrat ou du produit financier concerné ».

L'article 2 du même règlement précise : « Les personnes disposant d'une information privilégiée à raison de leur qualité de membres des organes d'administration, de direction, de surveillance d'un émetteur, ou à raison des fonctions qu'elles exercent au sein d'un tel émetteur doivent s'abstenir d'exploiter, pour compte propre ou pour compte d'autrui, une telle information sur le marché, soit directement, soit par personne interposée, en achetant ou en vendant des titres de cet émetteur, ou des produits financiers liés à ce titre ».

Ces informations doivent être susceptibles d'influer sur les cours.

En l'espèce l'information privilégiée portait sur deux faits certains non encore connus du public qui étaient respectivement la mise au point, déjà intervenue, du procédé Actis et la certitude que le très important potentiel de développement que la société pouvait espérer retirer de cette innovation allait être rendue public dans les jours suivant les achats litigieux. Sa révélation était susceptible d'avoir un impact sur les cours.

L. D. V. a admis avoir connu ces caractéristiques en déclarant : « nous savions bien sûr que l'annonce serait positive car il s'agissait d'un procédé potentiellement très important pour le business de Sidel. Nous savions que cette annonce plairait au marché mais nous n'imaginions pas que ce serait à ce point... ».

J.-P. L. a estimé que l'information privilégiée ne pourrait être que « la date à laquelle la nouvelle de la mise au point du procédé Actis devait être communiquée au public seule susceptible de peser sur le cours ».

J.-P. L. indiquait « M. F. O. a décidé de manière très soudaine d'annoncer la mise au point de ce procédé. La décision a dû précéder que d'un mois l'annonce. Il en a aussitôt informé le comité de direction ainsi que toutes les personnes chargées d'organiser la réunion avec les analystes. Nous étions donc au courant de cette annonce dès la fin du mois de mars ».

L. D. V. et J.-P. L. ont eu recours à des mandats de gestion, il faut néanmoins relever en l'espèce que, non seulement l'information privilégiée a été exploitée pour le compte de chacun d'entre eux, mais encore qu'ils ont eux-mêmes directement passé les ordres d'achat, alors que les mandats ne le prévoyaient pas.

L. D. V. a déclaré : « les 10 000 titres des 26 et 27 avril, M. K., ne les a pas faits tout seul. Il est impossible qu'il ait acquis cette quantité de titres sans m'en parler, compte tenu des montants investis... Une fois que mon gestionnaire a acheté ces titres, il a dû également me le dire, ce qui explique peut-être les ventes qui ont suivi. Il y a certainement eu un malentendu sur cette opération. En tout cas, ces titres sont là, je ne peux pas dire qu'il n'y a pas eu matériellement un délit d'initié, mais en tout cas, je n'ai pas voulu le commettre. Vu la manière dont je fonctionne, c'est impossible que je l'ai appelé dans un but comptable, pour lui donner l'ordre d'acheter et de revendre aussitôt. Clairement je savais bien sûr à ce moment-là qu'on allait faire l'annonce du procédé Actis ».

M. K. gestionnaire de L. D. V., a précisé l'avoir rencontré le 24 avril 1999 : « chez Sidel où il m'avait fixé rendez-vous... l'objet de ce rendez-vous était large... mais à la fin de ce rendez-vous, il m'a demandé d'acheter des titres, je ne me souviens plus exactement combien, mais en tout cas il m'a donné un ordre de grandeur. Il a signé un ordre, sans limite de prix ; c'était au prix du marché... ».

J.-P. L. a affirmé : « sans doute parce que j'étais au courant du procédé Actis et pour procéder de la hausse du cours qui résulterait peut-être de l'annonce, j'ai demandé à M. R. K. d'acheter 2 000 titres juste avant ladite annonce. C'est une erreur que j'ai commise et c'est la seule fois que j'ai acheté des titres Sidel dans une période sensible alors que je bénéficiais d'une information privilégiée ».

Celui qui est en possession d'une information privilégiée a un devoir absolu d'abstention, ce qui est a fortiori le cas s'agissant d'un dirigeant social comme M. D. V.

Il n'est pas contesté que les ordres d'achats passés par M. L. ont été déterminés par la connaissance qu'il avait d'une information privilégiée.

Sur le principe non bis in idem

Les prévenus font valoir que le principe non bis in idem s'oppose à leur condamnation par le tribunal correctionnel.

Le tribunal observe que le Code monétaire et financier prévoit expressément que des sanctions peuvent être prononcées concurremment par l'autorité de tutelle des marchés financiers et par les juridictions pénales correctionnelles.

Ainsi des pénalités relevant de chacune de ces instances sont prévues par les textes. Le Code monétaire et financier prévoit par ailleurs une disposition particulière quand l'autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive. Dans ce cas (C. mon. fin., art. L. 621-16) « le juge pénal statuant sur les mêmes faits peut ordonner que la sanction financière s'impute sur l'amende qu'il prononce ».

Le fait que deux instances distinctes puissent être saisies des mêmes faits et que deux sanctions puissent être décidées est donc légalement prévu et aussi organisé dans un souci de coordination des sanctions.

Le tribunal constate que ce texte de nature législative est un texte du droit positif français et qu'il doit recevoir application.

Au fond, il est constant que L. D. V. et J.-P. L. ont fait l'objet d'une sanction pécuniaire de la part de l'AMF pour les présents faits et le tribunal en tiendra, bien évidemment, compte dans le prononcé de la peine.

SUR LES FAITS DE DIFFUSION D'INFORMATIONS MENSONGÈRES RELATIFS AU NOMBRE DE COMMANDES DE MACHINES Actis EN DÉCEMBRE 1999

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Sur ce le Tribunal

Le tribunal relève qu'au moment où cette interview était donnée par F. O., les bilans qu'il faisait établir par ses services ne reflétaient pas la réalité de la société.

Les investigations ont montré que les services compétents de Sidel étaient dans l'incapacité de produire des pièces faisant état de commandes ou d'intention de commandes dans les proportions indiquées par F. O.

En mai 1999, ce dernier faisait déjà état dans divers communiqués de presse d'annonces de commandes portant sur 20 machines, qui n'ont pas été corroborés par les investigations. C'est à ce sujet que D. M. estimait que son tableau était mal fait.

Concernant les déclarations de décembre 1999, il apparaît que Sidel ne disposait pas, et de loin, des 15 commandes fermes annoncées, alors que F. O. faisait en outre état de perspectives portant sur des dizaines de commandes qui n'ont été suivie d'aucun effet.

Une commande ferme d'une machine de cette importance doit se matérialiser par des écrits qui n'ont pas été produits lors de l'information.

Le fait que des analystes aient pu défendre le titre Sidel ne constitue pas en soi un élément utile à la défense de F. O., dans la mesure où il est établi que ce dernier faisait diffuser des informations fausses sur l'activité de sa société, et que ces chiffres étaient publiés dans les comptes annuels.

Enfin, il est clair qu'en affirmant que Sidel avait des perspectives importantes et des commandes fermes, alors qu'il apparaîtra qu'elle ne les avaient pas, F. O. qui détenait la réalité du pouvoir économique et la maîtrise de l'information financière sur le groupe ne peut valablement affirmer qu'il n'a fait preuve que d'une ambition excessive.

La COB dans différents rapports joints au dossier (D 566, D 567) montre que de nombreuses informations financières effectuées par F. O. se sont révélées pour le moins très contestables sur leurs fiabilité.

F. O. ne pouvait d'autant moins ignorer l'état de la société que lors de l'assemblée générale qui se déroulait peu de temps après son interview, il annonçait une dégradation des marges qui faisait alors chuter le titre.

Il avait annoncé également une valorisation du titre à 160 € alors qu'il devait négocier avec Tetra-Laval, dont il parlait dans l'article, à hauteur de 50 €.

Sur ces prévisions de commandes Actis annoncées dans l'article, F. O. a réaffirmé qu'au moment de l'interview, rien ne lui permettait de penser que les prévisions pour 2000 et 2001 ne seraient pas tenues. Sidel avait reçu des lettres de commandes et des engagements de commandes dont certains verbaux, pour 20 machines, le chiffre tombant à 15, au moment de l'interview. Il reconnaissait toutefois que les commandes fermes étaient bien moindres : « en ce qui concerne les commandes juridiquement fermes de l'époque ; nous devions en avoir 5 ou 6, ce qui correspond au nombre de machines livrées sur l'exercice 2000 ».

Les documents produits par D. M., directeur général de Sidel, montraient certes qu'à l'époque, Sidel espérait conclure avec une vingtaine de ses clients. Mais, il ne s'agissait en aucun cas de commandes fermes. De fait, au 31 décembre 2000, seules six machines Actis avaient été livrées par Sidel.

Dès lors, l'annonce dans Investir de la livraison de trente-cinq à soixante machines en 2000, d'une centaine en 2001, de deux cents en 2002, de la réception de quinze commandes fermes et de quinze commandes liées à la bonne mise en route des premières machines et les prévisions de parts de machines Actis dans le chiffre d'affaires (5 % en 2000 et 10 % en 2002) ainsi que les commentaires accompagnant ces données paraissent caractériser la diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de nature à agir sur les cours.

F. O. était très impliqué dans la communication financière de Sidel, société qu'il avait rejointe en 1972 et qu'il présidait depuis 1986. Ses déclarations au journal Investir étaient catégoriques et faites en toute connaissance de cause.

Il apparaît que les commandes annoncées en décembre 1999 par F. O. étaient dépourvues de toute réalité.

Le tribunal rappelle que l'intéressé avait précédemment, en mai 1999 fait publier des annonces de commandes portant sur une « vingtaine de machines Actis » qui se sont révélées tout aussi dépourvues de consistance. Lors de l'interview au journal Investir, il s'agissait pour lui de provoquer un nouvel élan avant l'assemblée générale de Sidel. Il faisait état d'une valorisation de l'action à 160 € « en cas d'OPA », ce qui était également dénué de tout sens économique.

Dans ces conditions, F. O. doit être retenu dans les liens de la prévention du chef de diffusion d'information mensongère.

Sur les pénalités

Le tribunal déclarera coupables les prévenus des faits qui leur sont reprochés.

F. O. a incontestablement fait de la société Sidel une entreprise de dimension mondiale, son modèle économique a été reconnu et montré en exemple. Toutefois, il s'est enfermé dans un système de communication, ne tenant pas compte du caractère cyclique de son activité et s'est lancé dans une spirale d'abord consistant à manipuler les écritures comptables sur les stocks, puis à effectuer des effets d'annonce tout à fait inadaptés sur la machine Actis, dont la pertinence sur le marché reste à établir.

Ces faits présentent un incontestable caractère de gravité dans la mesure où ils trompent non seulement les interlocuteurs habituels des entreprises mais aussi les actionnaires particuliers de Sidel qui faisait appel public à l'épargne. La persistance dans la fausseté des informations divulguées en nombre très important sera également prise en considération.

F. O. souligne qu'il a fait l'objet d'une décision de condamnation par la COB, aujourd'hui définitive, d'un montant de 1 million d'euros pour les faits motivant la saisine du tribunal, il sollicite en conséquence qu'il en soit tenu compte en cas de condamnation pénale.

Il sera tenu compte de la décision de la COB par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier.

J.-P. L. et L. D. V. sollicitent une dispense de peine et subsidiairement une dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

Sur ce point, ces prévenus ne justifient d'aucun élément susceptible d'être pris en considération et de nature à établir un intérêt légitime à agir. En outre, ils ne produisent aucune pièce à l'appui de leur demande.

Le tribunal rejettera en conséquence cette demande.

Une peine adaptée aux éléments de l'espèce et à la gravité relative des faits commis par chacun des prévenus sera prononcée.

F. O., L. D. V., J.-P. L., n'ayant pas été condamnés au cours des cinq années précédant les faits pour crime ou délit de droit commun aux peines prévues par les articles 132-30, 132-31 et 132-33 du Code pénal peuvent bénéficier du sursis simple dans les conditions prévues par les articles 132-29 à 132-34 de ce même code.

II - SUR L'ACTION CIVILE

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LE TRIBUNAL SUR LES INTÉRÊTS CIVILS

Sur la recevabilité de l'action contre la société Sidel

La société Sidel dans ses conclusions de partie civile, fait état du caractère irrecevable de la constitution formée par des actionnaires contre elle-même.

La société Sidel se fonde sur une jurisprudence concernant la notion de préjudice causé aux sociétés et les préjudices incidents subis par les actionnaires notamment en matière d'abus de biens sociaux qui ne peut être transposée en l'espèce.

Les actionnaires minoritaires détiennent un droit à agir prévu par les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale qui leur permet de demander réparation du préjudice direct résultant de la commission d'infractions causées par les dirigeants de la société dont ils détenaient une part et qui ont intentionnellement abusé des prérogatives qu'ils détenaient alors que la société faisait appel public à l'épargne.

L'action directe des actionnaires minoritaires est donc recevable.

De même, l'action dont ils disposent peut, en l'absence de dispositions particulières contraires, être intentée concurremment contre les dirigeants personnellement auteurs des infractions et contre la société en sa qualité de civilement responsable de ces dirigeants.

Cette dernière action résulte des dispositions de l'article 1384 du Code civil dans les conditions prévues par ce texte.

Il ne saurait être invoqué pour échapper à cette responsabilité la position particulière des dirigeants sociaux, président directeur général et directeur général dont le statut spécial est régi par des textes spécifiques.

En effet, il est constant que les dirigeants sociaux ont été attraits à l'instance pénale dans le cadre de leur fonctions. Ils agissaient alors au nom et pour le compte de la société qu'ils dirigeaient.

Il est en outre observé que la société Sidel, personne morale, a pu bénéficier du produit des infractions ainsi commises.

L'action est donc valablement dirigée contre ces différentes personnes.

Sur la constitution de partie civile de Sidel

La société Sidel, contrôlée par un groupe différent de celui la contrôlant à la date des faits, sollicite un euro à l'encontre des prévenus.

Sur l'action récursoire de Sidel contre ses préposés

La société Sidel sollicite en l'espèce le remboursement des avances mises à sa charge en paiement des condamnations pécuniaires prononcées contre les dirigeants et notamment par le président directeur général, F. O.

Toutefois cette société ne met pas le tribunal en mesure de statuer sur cette demande dans la mesure où elle n'expose pas suffisamment en quoi les fautes commises par l'intéressé seraient dissociables du contrôle de la société.

De même elle ne précise pas la nature du dommage qu'elle a personnellement subi alors que la société a bénéficié de la diffusion de fausses informations et de la publication de faux comptes annuels en conservant des actionnaires qui pouvaient penser que les éléments qui leur étaient communiqués étaient conformes à la réalité.

La société Sidel sera en conséquence déboutée en l'état de sa demande de remboursement d'avances qu'elle n'a pas effectuées.

Sur l'existence d'un préjudice causé

Il est invoqué en défense sur les intérêts civils, une absence totale de préjudice des parties civiles.

Le tribunal relève que les parties civiles ont droit à réparation du préjudice causé par les infractions.

En matière boursière, le fait que les parties civiles, contrairement à ce que certaines d'entre elles font valoir, aient vendu leurs titres à un prix inférieur à leur prix d'achat, même en présence d'infractions, n'établit pas en soi leur préjudice.

En effet, le cours des actions cotées en bourse, présente, en soi, un caractère spéculatif. La notion de risque est une donnée devant être prise en compte par l'investisseur.

Le tribunal doit apprécier le préjudice en fonction des troubles réellement subis et causés par les infractions relevées.

Sur le préjudice causé par la commission des délits d'initié

En matière de délit d'initié, le tribunal constate que le nombre d'actions achetées et revendues par J.-P. L. et L. D. V., à savoir respectivement 10 000 et 2 000 titres achetés et revendus à contre tendance, sont insusceptibles d'avoir eu le moindre impact sur l'évolution des cours.

Les demandes formulées contre ces prévenus à ces titres seront donc rejetées.

Sur le préjudice causé par la commission des délits de publication de comptes inexacts et d'informations mensongères

Il résulte des éléments de l'espèce ci-dessus exposés que la publication d'informations financières inexactes qui s'est régulièrement déroulée sur une longue période de temps, entre 1995 jusqu'à la cession de la société Sidel dans le cadre de l'OPA par Tetra-Laval, a eu effectivement pour effet de faire croire aux actionnaires parties civiles que la situation et les perspectives de l'entreprise étaient meilleures qu'elles ne l'étaient en réalité.

De ce fait des personnes ont pu être conduites sur la base de ces informations à acheter ou à conserver des titres dont la valeur réelle était inférieure au cours de l'action. Ce phénomène s'est déroulé en l'espèce jusqu'à la cession dans le cadre de l'OPA (cf. supra).

Le cours de l'action Sidel étant ainsi constamment surévalué jusqu'à la fin, le tribunal ne peut qu'en tenir compte dans l'évaluation du préjudice.

En réalité les actionnaires ont subi, en l'espèce, un préjudice résultant de la perte d'une chance en achetant ou en conservant une action dont les perspectives prometteuses étaient manifestement surévaluées. Leur liberté de choix a été faussée et un préjudice direct leur a ainsi été causé.

Les informations étaient données par F. O., avec le concours constant de son secrétaire général L. D. V., parfaitement informé de la fausseté des annonces financières effectuées.

Le tribunal retiendra en outre, pour évaluer les préjudices, les montants des surévaluations causées par les infractions.

Les résultats figurant ainsi sur les données comptables publiées, et retenus dans la prévention évaluent à bon droit à 4,3 millions d'euros au 31 décembre 1998 et à 9,1 millions d'euros au 31 décembre 1999 les modifications des résultats du groupe. Ces chiffres, certes importants doivent cependant être confrontés aux chiffres du groupe.

Le tribunal prendra ainsi en considération le fait que les actionnaires ont pu être trompés par les agissements des prévenus.

Le fait qu'une transaction ait pu avoir lieu, en dehors des débats, entre Sidel et Deminor agissant pour le compte de certains actionnaires sur la base d'une discussion différente de celle dont est saisie le tribunal, ne peut servir de base au calcul de l'indemnité à verser aux actionnaires.

En conséquence, le tribunal est en mesure d'évaluer le préjudice subi par chacun des actionnaires, toutes causes de préjudice confondues à la somme de 10 € par action dans la limite des demandes.

Il serait inéquitable de laisser aux parties civiles la charge des frais irrépétibles de l'instance, les montants alloués sont calculés en fonction des demandes.

F. O. à la peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 300 000 € dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 12 septembre 2002.

L. D. V. 18 mois sursis et une amende de 150 000 € dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 15 avril 2003.

J.-P. L. à 10 mois sursis et une amende de 50 000 € dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 15 avril 2003 rejette la demande des deux derniers prévenus tendant à une dispense d'inscription au B2.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, en matière correctionnelle, en premier ressort et par jugement contradictoire à l'encontre des prévenus F. O., L. D. V., et J.-P. L.

..........

et par jugement contradictoire à l'égard des parties civiles.

SUR L'ACTION PUBLIQUE

Déclare F. O. coupable pour les faits qualifiés de :

Diffusion d'information fausse ou trompeuse pour agir sur le cours des titres négociés sur un marché réglementé, faits commis courant décembre 1999, à Paris, et au Havre, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit,

Présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler l'état d'une société par actions, faits commis courant mai 1999 et mai 2000, à Paris, et au Havre, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à la peine de 2 ans d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

Dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à une amende délictuelle de trois cents mille euros (300 000 €).

Dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 12 septembre 2002.

Déclare L. D. V. coupable pour les faits qualifiés de :

complicité de présentation de comptes annuels inexacts pour dissimuler l'état d'une société par actions, faits commis courant mai 1999 et mai 2000, à Paris, et au Havre, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit,

réalisation d'opérations boursières grâce à des informations privilégiées non rendues publiques, faits commis courant avril 1999, à Paris, et au Havre, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à la peine de 18 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

Dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à une amende délictuelle de cent cinquante mille euros (150 000 €).

Dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 15 avril 2003.

Rejette la demande de non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

Déclare J.-P. L. coupable pour les faits qualifiés de :

Réalisation d'opérations boursières grâce à des informations privilégiées non rendues publiques, faits commis courant avril 1999, à Paris, et au Havre, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à la peine de 10 mois d'emprisonnement.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

Dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles.

Et aussitôt, le président, suite à cette condamnation assortie du sursis simple, a donné l'avertissement, prévu à l'article 132-29 du Code pénal, au condamné que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première peine sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 et 132-10 du Code pénal.

Vu les articles susvisés :

Le condamne à une amende délictuelle de cinquante mille euros (50 000 €).

Dit que par application de l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier cette sanction pécuniaire s'imputera en totalité sur la sanction prononcée par la Commission des opérations de bourse à son encontre le 15 avril 2003.

Rejette la demande de non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire.

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre-vingt-dix euros - (90 €) dont est redevable F. O., de quatre-vingt-dix euros - (90 €) dont est redevable L. D. V., de quatre-vingt-dix euros - (90 €) dont est redevable J.-P. L.

SUR L'ACTION CIVILE

Constitution de partie civile de la société Sidel

Condamne F. O., L. D. V. et J.-P. L. à verser à la société Sidel chacun la somme de UN euro en préparation du préjudice qu'ils ont causé à son image.

Condamne les prévenus à lui payer chacun la somme de 1 500 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Déclare la société Sidel civilement responsable des prévenus F. O., L. D. V. et J.-P. L. au titre de la réparation des intérêts civils des infractions pour lesquels ils sont déclarés coupables dans la présente instance.

Déboute la société Sidel du surplus de ses conclusions.

Sur les constitutions de partie civile

Condamnent solidairement F. O., L. D. V., la société Sidel étant civilement responsable à verser à :

Constitution de la société Taissa International Inc. la somme de 160 000 € toutes cause de préjudice confondus à titre de dommages intérêts et 1 500 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Constitution de partie civile de J. S. la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts et 500 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Adhérents de l'ADAM

A. F. la somme de 1 150 € à titre de dommages intérêts et 57,50 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

A. A. la somme de 500 € à titre de dommages intérêts et 25 € par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Note - Affaire Sidel : divers aspects de l'action publique et de l'action civile relatives aux délits d'initiés, de diffusion d'information trompeuse et de présentation de comptes infidèles

Décision remarquée que celle prononcée le 12 septembre 2006 par la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Sidel (du nom de cette société cotée dont certains des anciens dirigeants ou salariés étaient poursuivis pour diverses infractions financières ou boursières). L'attention de la presse économique et généraliste(1) ne s'est pas tant focalisée sur les condamnations pénales infligées, pour délit d'initié, à MM. D.V., et L., respectivement ancien secrétaire général de Sidel, pour le premier, et ancien directeur international (salarié) de la société, pour le second, ou encore sur la condamnation de cet ex-secrétaire général et de l'ancien président de la société, M. O., pour diffusion d'informations mensongères et présentation de comptes inexacts(2) : de telles condamnations, rarement brutales, rythment régulièrement la chronique financière depuis quelques années, au point d'en devenir relativement banales. Ce sont en revanche les aspects civils de la décision commentée qui ont suscité enthousiasme ou émotion publics, le tribunal ayant en effet accueilli les demandes de plusieurs centaines d'actionnaires de Sidel constitués parties civiles, sous la férule de deux associations d'actionnaires, l'Association des petits porteurs actifs (APPAC) et l'Association de défense des actionnaires minoritaires (ADAM). Pour guider le lecteur à travers cette décision riche et parfois touffue, nous en aborderons successivement, et sans originalité, les deux volets, pénal et civil.

I. - Les infractions poursuivies devant le tribunal correctionnel

Le tribunal correctionnel de Paris n'a été pour les trois prévenus qu'une étape supplémentaire de leurs déconvenues, après qu'eurent été découvertes des opérations suspectes sur les actions Sidel et qu'eût été révélée, par la société elle-même, l'inexactitude d'informations précédemment diffusées dans le public par Sidel ou son président. Revenons un instant sur les faits reprochés à ses acteurs et sur le cheminement de cette affaire, en précisant toutefois que le jugement a été frappé d'appel par l'ensemble des parties, que les prévenus bénéficient donc toujours de la présomption d'innocence et que l'affaire sera prochainement réexaminée par la cour d'appel de Paris.

Sidel, société cotée à la bourse de Paris, était l'un des leaders mondiaux de la fabrication d'emballages en plastique. En mars 2001, une offre publique d'acquisition était lancée par la société Tetra Laval sur Sidel. À cette occasion, M. O., président de Sidel, prenait l'initiative de révéler au marché l'existence d'irrégularités comptables auxquelles il avait pris part et qui avaient affecté les comptes de Sidel pour les exercices 1998 et 1999 ; la perspective de cette OPA l'avait ainsi tout à la fois conduit à faire régulariser la situation, et à révéler les manipulations comptables tant aux commissaires aux comptes de Sidel, qu'à l'acquéreur potentiel et au public. Les commissaires aux comptes ne manquaient alors pas de signaler les irrégularités à la Commission des opérations de bourse (COB), et ils en évaluaient l'impact à 4,3 millions d'euros pour les comptes clos au 31 décembre 1998 et à 9,1 millions d'euros pour les comptes clos au 31 décembre 1999. La COB a successivement engagé en 2003 à l'encontre de l'ancien président de Sidel puis à l'encontre de Sidel deux procédures distinctes de sanction administrative, sur le fondement du règlement COB no 98-07 relatif à l'obligation d'information du public. Ces procédures visaient tout à la fois les manipulations avouées des comptes de Sidel, diverses déclarations de M. O. à la presse, en sa qualité de président de la société, et différents communiqués diffusés par la société de 1999 à 2001 sur les perspectives de la société s'étant les unes et les autres ultérieurement avérés inexacts. Sidel, puis son ancien président, ont successivement été condamnés par l'autorité boursière pour ces diffusions d'informations imprécises, inexactes ou trompeuses(3).

Parallèlement à cette première enquête et la première procédure de sanction administrative, divers actionnaires de Sidel se sont constitués partie civile devant un juge d'instruction, en avril 2002, des chefs d'abus de biens sociaux, abus de confiance, escroquerie et délit d'initié à raison des informations financières et comptables diffusées par Sidel et ses dirigeants. L'instruction a été nourrie du dossier de la COB puisque, très classiquement, celle-ci a révélé au ministère public les faits qu'elle poursuivait et a porté à sa connaissance les sanctions administratives qu'elle avait infligées à l'issue de ses procédures.

Par ailleurs, la COB a conduit une troisième enquête, relative cette fois-ci, au marché de l'action Sidel, et qui avait mis au jour de potentielles opérations d'initiés : des achats importants du titre Sidel avaient été réalisés peu avant l'annonce par la société, en avril 1999, de la mise au point par ses soins d'un procédé (dénommé « Actis ») de fabrication d'emballages ; l'annonce faite au public présentait le procédé comme révolutionnaire et susceptible d'influer très favorablement sur les résultats futurs de Sidel. Cette nouvelle enquête a débouché sur une procédure de sanction administrative à l'encontre de M. D.V., ancien secrétaire général de Sidel, et de M. L., ancien directeur commercial de la société (ultérieurement devenu responsable de l'activité internationale du groupe) pour manquement au règlement COB no 90-08 relatif à l'utilisation d'une information privilégiée. L'un et l'autre ont été déclarés responsables des faits qui leur étaient reprochés et ont été sanctionnés par la COB(4).

Cette enquête et cette procédure de sanction, ici encore, ont été révélées au parquet, qui a décidé d'étendre à ces faits nouveaux l'instruction ouverte en avril 2002. Celle-ci, au final, s'est réglée par le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris de MM. O., D.V. et L., qui ont eu à répondre de délit d'initié, pour ces deux derniers, ainsi que de présentation de comptes inexacts pour les exercices clos au 31 décembre 1998 et 31 décembre 1999, et de diffusion d'informations mensongères concernant la commande de machines Actis et les résultats de Sidel pour les deux premiers. Nous examinerons successivement chacune de ces préventions.

A - Les délits d'initié poursuivis

Monsieur D.V., ancien secrétaire général de Sidel, et M. L., son directeur international, étaient poursuivis sur le fondement de l'article L. 465-1 du Code monétaire et financier pour avoir exploité une information privilégiée relative à Sidel qu'ils détenaient en raison de leurs fonctions au sein de la société. Les faits qui leur étaient reprochés étaient les suivants : lors d'une conférence de presse tenue le 29 avril 1999, le président de Sidel avait annoncé la mise en place d'un nouveau procédé, dénommé Actis, qui permettait d'obtenir dans un emballage dit « PET », le conditionnement de boissons gazeuses. Ce procédé était présenté, et notamment aux analystes financiers, comme révolutionnaire et porteur de bénéfices futurs pour Sidel. L'annonce provoquait comme l'on pouvait s'y attendre, une hausse très sensible du cours de l'action Sidel.

L'enquête de la COB et l'instruction ont démontré que seules quatre personnes au sein de Sidel étaient informées, au moment de l'annonce du 29 avril 1999, de la mise au point du procédé : son président, M. O., son secrétaire général (qui était également administrateur), M. D.V., son directeur international, M. L. et deux directeurs généraux. Or, quelques jours à peine avant l'annonce publique de la mise au point du procédé Actis, MM. D.V. et L. avaient donné ordre à leurs sociétés de gestion de portefeuille d'acquérir des titres Sidel. L'annonce du 29 avril 1999 ayant provoqué une hausse très sensible du cours de l'action Sidel, MM. D.V. et L. avaient revendu, le jour même et le lendemain de l'annonce, un nombre de titres supérieur à celui qu'ils avaient achetés quelques jours auparavant, réalisant respectivement une plus-value de 75 520 € et 43 120 €. Les deux dirigeants de Sidel avaient reconnu durant l'instruction avoir transmis à leur gestionnaire de portefeuille un ordre d'achat de titres Sidel quelques jours avant cette annonce, alors qu'ils disposaient d'une information privilégiée, relative à l'imminence de l'annonce de la mise au point du procédé Actis. Rappelons que nos deux prévenus avaient été condamnés par la COB pour manquement d'initié à raison des mêmes faits, ce qui les plaçait en position inconfortable devant le tribunal correctionnel. Pour tenter d'échapper à la sanction pénale de faits qui avaient déjà conduit à leur répression sur le terrain administratif, les deux prévenus avançaient tant un argument d'ordre procédural (1), que des considérations tirées du fond du dossier (2). Les uns et les autres ont été rejetés par les juges correctionnels.

1 - La confirmation par le tribunal de la légalité du cumul des poursuites et des sanctions administratives et pénales en matière boursière

Les deux prévenus ayant déjà été condamnés par la COB pour les faits dont le tribunal correctionnel avait à connaître, ils ont soulevé devant ce dernier l'irrecevabilité des poursuites pénales exercées à leur encontre, par application du principe non bis in idem. Ils revendiquaient à cette fin l'article 4 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 14.7 du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, qui interdisent qu'une personne soit poursuivie ou punie en raison d'une infraction pour laquelle elle a déjà été condamnée ou acquittée par un jugement définitif. Cet argument n'était pas déplacé, tant il apparaît dérangeant que, pour une faute identique, une personne soit soumise à des poursuites répétées, voire à des punitions cumulées, devant des ordres juridictionnels ou quasi-juridictionnels distincts. Mais le rejet de l'objection ne faisait guère de doute, en l'état de la jurisprudence établie de la Cour de cassation : celle-ci affirme en effet avec constance que la règle non bis in idem telle qu'énoncée par le protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme n'est applicable qu'en matière pénale et ne fait pas obstacle au cumul des poursuites et des sanctions administratives et pénales(5). Cette solution soulève certes les réserves(6), voire les critiques sévères(7) d'une partie de la doctrine, mais elle est encouragée par les instances européennes(8) et elle est implicitement consacrée par l'article L. 621-16 du Code monétaire et financier qui offre au juge pénal la possibilité d'imputer sur l'amende qu'il inflige le montant d'une sanction pécuniaire prononcée par l'AMF à raison des mêmes faits ou pour des faits connexes.

De façon prévisible, le jugement commenté s'est appuyé sur ce dernier texte pour rejeter l'exception d'irrecevabilité, tout en soulignant qu'il serait tenu compte de la sanction déjà infligée par la COB pour moduler le quantum de la peine à laquelle seraient condamnés les prévenus.

2 - Le délit d'initié par exploitation d'une information relative à l'annonce prochaine d'une technologie prometteuse pour la société

Tout comme l'exception d'irrecevabilité, le tribunal a écarté les arguments soulevés sur le fond par les deux prévenus.

Ceux-ci soutenaient, en substance, que s'ils connaissaient l'existence du procédé Actis, ils ignoraient que la société allait en annoncer la mise au point si rapidement lorsqu'ils avaient acheté leurs titres. Le Tribunal, pour rejeter cette défense et entrer en voie de condamnation, a retenu que l'information privilégiée portait sur deux faits distincts non encore connus du public, à savoir la mise au point du procédé Actis et la certitude que le potentiel de ce procédé allait être révélé au public. Le caractère inéluctable de l'annonce impliquait que les dirigeants ayant connaissance du procédé étaient détenteurs d'une information privilégiée, qui leur imposait de s'abstenir de toute exploitation de cette information par l'achat des titres de la société.

La solution mérite l'approbation. L'on pourrait même se demander si la connaissance du fait que le procédé allait être rendu public constituait nécessairement en l'espèce l'un des éléments caractéristiques de l'information privilégiée. En effet, l'information privilégiée est définie par la directive « abus de marché » du Conseil et du Parlement européen, comme « une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés » (9) . À s'en tenir à cette acception, d'ailleurs reprise à son compte par l'Autorité des marchés financiers(10), il suffit que l'information, dès lors qu'elle est suffisamment précise, soit susceptible d'influer sur le cours si elle était rendue publique : ainsi, l'absence de publication ultérieure de l'information ou la connaissance de la proximité de l'information est indifférente pour que lui soit reconnue la qualité d'information privilégiée.

Au-delà du classicisme de la solution adoptée au regard du droit du délit d'initié, le jugement commenté retiendra donc surtout l'attention par l'illustration intéressante et rare qu'il offre d'une information privilégiée découlant de la connaissance non partagée par le public du développement par la société cotée d'une technologie dont la mise en oeuvre est susceptible d'avoir un impact sensible sur l'activité de la société.

B - Les délits liés à la diffusion d'informations financières relatives à Sidel

Tout aussi classiques sont les articulations du jugement consacrées à la caractérisation des délits de présentation de comptes infidèles et de diffusion d'informations mensongères.

1 - La présentation de comptes infidèles pour les exercices clos les 31 décembre 1998 et 31 décembre 1999

M. O., ancien président de Sidel, et M. D.V., son ancien secrétaire général étaient également poursuivis pour présentation de comptes ne présentant pas une image fidèle de la société, pour les exercices 1998 et 1999. Il leur était reproché d'avoir comptabilisé des fausses écritures portant sur des stocks depuis 1995 jusqu'en 2000. La valeur des stocks avait été manipulée par des écritures au journal « opérations diverses », et le chiffre d'affaires et les marges avaient été accrues artificiellement, avant que ces irrégularités fussent révélées lors de l'OPA sur Sidel. Les manoeuvres consistaient à diminuer une partie du coût de production d'une machine facturée au titre d'un exercice, pour le reporter sur une machine en cours de production à la fin du même exercice, créant ainsi un transfert de charges qui faisait l'objet d'un état de suivi occulte par la direction de la société, individualisé machine par machine.

Devant le tribunal, les deux dirigeants poursuivis se défendaient en faisant valoir que ces écritures fictives n'avaient provoqué qu'un simple « lissage des résultats » de Sidel, qui n'aurait été mis en oeuvre que pour réagir à une extrême volatilité du cours du titre ; en outre, faisaient-ils valoir, ce « lissage » n'avait eu qu'une incidence très faible sur les résultats de Sidel, puisqu'il n'avait provoqué qu'un écart global de 3 % du chiffre d'affaires.

Cette défense a été vaine : le tribunal a rétorqué aux prévenus que les manipulations comptables s'assimilaient à un véritable système de cavalerie par report de charges d'un exercice à l'autre. Le tribunal a ainsi retenu que les bilans n'ont pas été établis sur la base des écritures régulières et sincères, les montants régularisés étant de plusieurs millions et que les manipulations constatées avaient eu pour but de faire croire aux interlocuteurs de Sidel, et en particulier aux actionnaires, que les marges et résultats de la société étaient meilleurs qu'en réalité. M. O., président de Sidel à l'époque des faits, a été condamné pour présentation et publication de comptes infidèles, et M. D.V., secrétaire général de la société, a été condamné pour complicité de ce délit.

2 - La diffusion d'informations mensongères relatives au nombre de commandes de machines Actis en décembre 1999

L'ancien président de Sidel était également poursuivi, sur le fondement du second alinéa de l'article L. 465-2 du Code monétaire et financier pour diffusion d'informations mensongères. En effet, dans un entretien paru le 11 décembre 1999 dans l'hebdomadaire INVESTIR, M. O. avait indiqué que Sidel était susceptible de faire l'objet d'une OPA ce qui pouvait porter la valeur de l'action à 160 € ; précisons que l'action cotait 100 € à cette époque. En outre, le dirigeant avait déclaré à l'hebdomadaire qu'il prévoyait, s'agissant des ventes et des commandes futures du procédé Actis, de livrer trente-cinq à soixante machines en 2000, une centaine en 2001 et 200 en 2002 ; enfin, il annonçait avoir reçu quinze commandes fermes et quinze autres commandes dépendant du bon fonctionnement des 15 premières machines. Il prévoyait en conséquence que ces ventes accroîtraient la probabilité d'atteindre les prévisions de croissance annuelle moyenne de la société entre 1997 et 2002 et que les redevances sur les bouteilles produites selon le procédé Actis pourraient représenter une amélioration des taux de marge nette de deux points. La réalité était quelque peu différente de ces annonces enthousiastes : M. O. révèlera durant l'instruction qu'en réalité, le nombre de commandes juridiquement fermes au moment où il accordait cette interview à INVESTIR était de cinq ou six au lieu des quinze alléguées. En outre, onze jours seulement après la parution de cet entretien se tenait l'assemblée générale de Sidel, à l'occasion de laquelle M. O. annonçait aux actionnaires que les résultats de l'exercice seraient obérés par les contre-performances d'une des filiales de la société et que son résultat d'exploitation serait en recul.

Le tribunal correctionnel a condamné M. O. pour diffusion d'une fausse information à l'occasion de cet entretien : alors que le nombre de commandes fermes annoncé lors de l'interview parue le 11 décembre 1999 était de quinze, seules six machines Actis avaient été livrées par Sidel au 31 décembre 2000. Pour les juges correctionnels, M. O. pouvait d'autant moins ignorer la situation de Sidel qu'il avait annoncé, lors de l'assemblée générale qui s'était déroulée peu de temps après cet entretien, une dégradation sensible des marges qui avait fait chuter le titre. Enfin, la fausse information intentionnelle était caractérisée, selon le jugement, par le fait que M. O. avait annoncé une valorisation de l'action Sidel à 160 € en cas d'OPA, alors qu'il négociait dans le même temps avec Tetra Laval la cession du contrôle de la société au prix de 50 € par action. Enfin, le tribunal retient que l'intention délictuelle du prévenu est d'autant plus établie que ce dernier occupait non seulement les fonctions de président de Sidel mais avait également joué un rôle de premier plan dans la communication de la société.

On le constate donc, la décision est relativement banale, pour ce qui a trait aux éléments constitutifs des infractions financières poursuivies. Tel n'est pas le cas de ses aspects civils.

II. - Les actions civiles exercées devant le tribunal correctionnel

Nous le soulignions au début de ces lignes : ce sont surtout les aspects civils du jugement commenté qui ont intéressé les premiers commentateurs(11) et marqué les médias. La presse a présenté ces condamnations civiles comme une première en France, oubliant peut-être que plusieurs procès pénaux pour information boursière trompeuse ont donné lieu par le passé à des constitutions de partie civile en nombre des porteurs de titres et à leur indemnisation(12). Au-delà des conséquences civiles des délits liés aux comptes de Sidel ou à l'information publique diffusée en son nom (B), le lecteur pourra s'attarder sur une facette de la décision qui, bien que passée plus inaperçue, soulève des questions passionnantes, touchant à l'action civile attachée au délit d'initié (A).

A - L'action civile du chef de délit d'initié

Nombreux parmi la foule des actionnaires s'étant constitués partie civile contre les anciens dirigeants de Sidel étaient ceux qui réclamaient réparation du préjudice qu'ils prétendaient avoir subi en conséquence des délits d'initié reprochés à MM. D.V. et L.

Ils empruntaient ainsi la voie ouverte par la Cour de cassation, qui a récemment admis que le délit d'initié est susceptible d'occasionner un préjudice personnel et direct aux actionnaires de la société dont les titres ont fait l'objet d'opérations d'initié(13). Il n'est pas ici le lieu de répéter nos réserves sur cette affirmation trop catégorique et générale de la Haute juridiction, ainsi que la recevabilité inconditionnée de l'action civile des actionnaires d'une société dont les titres auraient été acquis ou cédés par un initié(14). Contentons-nous de relever que, comme l'admet la doctrine pourtant la plus favorable à cette recevabilité de l'action civile de l'actionnaire, « affirmer qu'un délit d'initié peut causer un préjudice personnel et direct à l'actionnaire est une chose, caractériser ou évaluer ce préjudice en est une autre »(15).

Cette difficulté de caractérisation d'un préjudice est illustrée par l'affaire Sidel : le tribunal correctionnel, pour débouter de leur action les parties civiles, a retenu que le nombre relativement faible d'actions Sidel achetées et revendues par les deux prévenus détenteurs d'informations privilégiées n'était pas susceptible d'avoir eu d'impact sur le cours et que les parties civiles ne pouvaient dès lors se prévaloir d'aucun préjudice lié aux infractions d'initié. L'absence de préjudice des actionnaires découlerait donc, pour les juges parisiens, de l'absence d'incidence des opérations d'initié sur le prix du titre.

La voie ainsi empruntée par le tribunal pour dénier un préjudice aux parties civiles est intéressante, même si le jugement ne met pas en relief les données économiques permettant d'affirmer qu'en l'espèce les ordres passés par les deux initiés n'ont pas eu d'impact sur le marché. Relevons aussi que la solution mise en oeuvre par le jugement s'éloigne de l'analyse que développent les théories économiques les plus récentes en matière d'évaluation du préjudice lié à un délit d'initié(16).

En effet, à s'en tenir à ces études, si une opération d'initié a vocation à occasionner un préjudice aux investisseurs, encore faut-il, à tout le moins, que ces investisseurs aient passé un ordre d'achat ou de vente concomitant à l'ordre de l'initié : selon les circonstances, l'opération réalisée par l'initié aura eu un impact sur le prix de la transaction dont l'investisseur est contrepartie (et cet investisseur pourrait alors subir un préjudice, dit « de contrepartie ») ; soit encore l'opération d'initié aura interdit à l'investisseur de voir l'ordre qu'il avait passé de trouver une contrepartie sur le marché (et l'investisseur subit alors un préjudice, qualifié « de non-exécution »)(17). Comme on le constate, dans cette optique, seuls les intervenants sur le marché du titre concerné, qui ont passé des ordres susceptibles d'être confrontés à ceux de l'initié, s'exposent à un préjudice. Cette catégorie de victimes potentielles est loin d'englober l'ensemble des actionnaires de la société dont les titres ont fait l'objet de l'opération d'initié, actionnaires auxquels la Cour de cassation ouvre pourtant indistinctement les portes de l'action civile. Et encore, les mécanismes du marché boursier et les règles d'intermédiation et de compensation qui y sont mises en oeuvre, corseront-ils la tâche des parties civiles : quand bien même celles-ci pourraient établir qu'elles avaient passé des ordres concomitants à ceux de l'initié, il faudrait encore qu'elles démontrent soit qu'elles étaient bien la contrepartie de l'initié dans les opérations délictueuses(18), soit en quoi les opérations réalisées par l'initié ont interdit qu'elles trouvent une contrepartie.

Ainsi, au-delà de réserves d'ordre juridique, les pierres d'achoppement ne manquent pas, sur le terrain économique, pour entraver la marche des actionnaires qui envisageraient de réclamer l'indemnisation du désavantage que leur a créée l'exploitation d'une information privilégiée. La seule considération de nature à atténuer leur amertume ne découlera alors souvent que de la satisfaction tirée de la condamnation pénale de l'initié.

B - L'action civile des chefs de bilans infidèles et de diffusion de fausses informations

Les prétentions des parties civiles ont été plus fructueuses sur le terrain des actions civiles exercées en réparation des infractions de bilans infidèles et de diffusion de fausses informations reprochées aux prévenus.

L'affaire Sidel a surtout été remarquée en raison du nombre d'actionnaires qui se sont constitués partie civile (ce qui a parfois conduit à voir, à tort, dans l'action massive de ces quelques sept cent actionnaires une class action avant l'heure)(19), alors même qu'une telle situation, n'était pas inédite(20). Le jugement commenté nous offre cependant une configuration originale : outre celle des nombreux actionnaires, les prévenus étaient confrontés à la constitution de partie civile de la société Sidel elle-même qui, tout comme les actionnaires, réclamait aux prévenus réparation du préjudice que lui aurait causée la publication des comptes infidèles ou la diffusion de fausses informations. Mais les actionnaires parties civiles ont alors profité de la présence de Sidel au procès pour solliciter sa condamnation solidaire, en sa qualité de civilement responsable des prévenus, au paiement des dommages-intérêts qu'ils sollicitaient à leur encontre. Nous examinerons successivement les diverses prétentions civiles dont le tribunal était saisi.

1 - L'action civile de la société contre les prévenus

En premier lieu, le tribunal correctionnel a déclaré recevable et bien fondée l'action civile de Sidel contre ses anciens dirigeants poursuivis des chefs de bilan insincère ou de diffusion de fausse information, et une somme d'un euro en réparation du préjudice moral causé par l'infraction a été accordée à la société. L'on retrouve ici l'application d'une règle prétorienne aujourd'hui classique(21), qui conduit à accueillir la société comme victime de la falsification par ses dirigeants de ses propres comptes ou comme victime de la diffusion en son nom de fausses informations. Ici encore, nous ne reviendrons pas sur les réserves que peut susciter l'admission inconditionnelle de l'existence d'un préjudice que subirait la société en conséquence de ces délits d'information financière imputables à ses dirigeants, alors même, pourtant, que ces mêmes infractions peuvent engager la responsabilité pénale de la société dès lors qu'elles ont été commises par les organes ou représentants de la société et pour son compte(22).

2 - L'action civile des actionnaires contre les prévenus et contre Sidel, civilement responsables

Victime reconnue et accueillie en son action par le tribunal correctionnel, Sidel se trouvait néanmoins prise dans les mâchoires d'un piège judiciaire : partie civile contre ses anciens dirigeants, elle se voyait aussi dans le même temps exposée aux demandes des actionnaires qui sollicitaient sa condamnation solidaire à dommages-intérêts avec ces mêmes dirigeants.

Pour sa défense, Sidel a soutenu l'irrecevabilité de la constitution de partie civile des actionnaires en se prévalant de la jurisprudence qui affirme que ces actionnaires ne sont pas recevables à solliciter la réparation d'un préjudice consistant en la perte de valeur de leurs actions, dans la mesure où un tel préjudice n'est pas dissociable de celui subi par la société(23) ; Sidel avançait en conséquence que, puisqu'elle seule pouvait être la victime directe des agissements des prévenus, elle ne pouvait pas, par ailleurs, en être déclarée civilement responsable. Ainsi, quoique pourchassant les prévenus, Sidel devenait parallèlement leur alliée, pour s'opposer aux demandes de condamnation formées par les actionnaires à leur encontre, condamnations qu'elle risquait de devoir assumer en qualité de civilement responsable.

De leur côté, pour soutenir l'irrecevabilité de l'action civile à leur égard, l'ancien président et l'ancien secrétaire général de Sidel évoquaient la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation selon laquelle ils ne sauraient répondre vis-à-vis de tiers de fautes qui ne sont pas séparables de leurs fonctions(24).

Le tribunal a rejeté ces arguments et a affirmé la recevabilité de l'action initiée par les actionnaires tant à l'égard de ses anciens dirigeants qu'à l'égard de la société aux motifs que « l es actionnaires minoritaires détiennent un droit à agir prévu par les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale qui leur permet de demander réparation du préjudice direct résultant de la commission d'infractions causées par les dirigeants de la société dont ils détenaient une part et qui ont intentionnellement abusé des prérogatives qu'ils détenaient alors que la société faisait appel public à l'épargn e ». Cette solution appelle les quelques considérations qui suivent.

(i) Concernant la recevabilité de principe de l'action civile des actionnaires de Sidel contre ses anciens dirigeants, la solution du tribunal nous paraît orthodoxe. Certes, l'argumentation que leur opposait Sidel, en prétendant qu'ils ne pouvaient subir aucun préjudice direct, distinct de l'atteinte à son propre patrimoine, peut se réclamer de l'autorité de nombreux auteurs(25). Mais la jurisprudence qu'elle revendiquait pour nier la recevabilité de l'action civile des actionnaires ne vaut que pour l'action civile exercée en réparation du préjudice causé par un abus de biens sociaux ou un abus de pouvoirs(26) ; cette solution n'est pas transposée par les juges pénaux à l'action civile des victimes d'un délit de diffusion de fausse information ou de publication de comptes infidèles, délits pour lesquels la Cour de cassation admet la recevabilité de principe de l'action civile des actionnaires(27). Une telle différence de sort réservée aux actionnaires, selon qu'ils sont confrontés à un abus de biens ou de pouvoirs, d'une part, ou, à l'inverse, à une diffusion d'informations mensongères ou une présentation de comptes inexacts, ne nous paraît pas illogique, si l'on considère les intérêts protégés par chacune de ces incriminations : celle de l'abus des biens sociaux ou de pouvoir, en réprimant les atteintes abusives à l'intérêt social vise au premier chef la protection de la société elle-même ; celles de présentation de comptes inexacts ou de diffusion d'informations mensongères tendent, en réprimant les présentations mensongères de la situation de la société, à préserver les tiers qui financent son activité, en lui consentant leur crédit ou en renforçant son capital.

(ii) Si le jugement rejette, sans y répondre précisément, l'argument avancé par les prévenus selon lequel ils ne pouvaient voir leur responsabilité civile engagée vis-à-vis des actionnaires, dès lors que les fautes qui leur étaient reprochées se rattacheraient à l'exercice de leurs fonctions sociales, une telle défense était clairement vouée à l'échec : l'on se souvient en effet que l'assemblée plénière de la cour de cassation a refusé de transposer aux fautes pénales intentionnelles l'irresponsabilité civile des mandataires sociaux poursuivis par des tiers pour une faute non détachable de leurs fonctions(28).

(iii) Quant à l'action engagée par les actionnaires contre Sidel elle-même, le tribunal retient que l'action dont ils disposent peut, en l'absence de dispositions particulières contraires, être intentée concurremment contre les dirigeants auteurs des infractions et contre la société en sa qualité de civilement responsable de ces dirigeants. Pour justifier la recevabilité de l'action civile à l'égard des anciens dirigeants de Sidel et pour déclarer cette dernière civilement responsable des agissements de ceux-ci, le tribunal se fonde ainsi sur les dispositions du 5e alinéa de l'article 1384 du Code civil, selon lequel « ... les commettants [répondent] du dommage causé... par leurs préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ».

Ce fondement juridique ne semble cependant pas le plus adapté pour ce qui concerne l'ancien président de Sidel, qui n'avait pas juridiquement la qualité de préposé, faute d'un lien de subordination vis-à-vis de la société dont il était le mandataire social(29). Mais au-delà du visa peu approprié de ce texte, il n'est cependant pas douteux que la jurisprudence actuelle de la chambre criminelle de la Cour de cassation permet de retenir la société comme civilement responsable des infractions commises dans le cadre de leurs fonctions par ses dirigeants non salariés(30).

La décision du tribunal condamnant Sidel vis-à-vis de ses actionnaires, même si elle peut paraître paradoxale (la partie civile est débitrice solidaire de l'auteur du délit dont elle-même est également reconnue victime...), ne nous suscite donc pas de réserve, en l'état actuel de la jurisprudence pénale. Relevons d'ailleurs que les actionnaires pourraient obtenir devant la juridiction civile, et sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile, la réparation par la société émettrice du préjudice que leur a causée la diffusion par ses dirigeants d'une fausse information(31).

3 - La caractérisation de la nature du préjudice de l'actionnaire et son évaluation

Une chose est de reconnaître abstraitement le principe d'un préjudice pouvant découler pour les actionnaires des délits de présentation de comptes infidèles ou de diffusion d'information mensongère, une autre tâche est, pour chacun des actionnaires plaignant, de caractériser le préjudice personnel et direct qu'il a souffert de l'infraction. Les actionnaires constitués partie civile devant le tribunal correctionnel réclamaient en l'espèce une indemnisation compensant la perte de valeur de leurs titres consécutive à la révélation de l'inexactitude des comptes ou des informations rendus publics. Afin d'asseoir la valorisation de leur préjudice, certains de ces actionnaires s'appuyaient sur une transaction conclue en décembre 2001 entre Sidel et divers autres actionnaires de Sidel, en application de laquelle ces derniers avaient reçu la somme de 20 € par action en contrepartie de la renonciation à toute action contre Sidel.

Le jugement commenté, pour caractériser et évaluer le préjudice des actionnaires, a retenu tout d'abord qu'en matière boursière le préjudice occasionné par un délit lié à l'information financière ne découle pas du simple fait que les actionnaires ont vendu leurs actions à un prix inférieur à celui auquel elles avaient été achetées : « En effet, le cours des actions cotées en bourse, présente, en soi, un caractère spéculatif. La notion de risque est une donnée devant être prise en compte par l'investisseur ». Le jugement énonce alors que les infractions constatées ont eu pour effet de faire croire aux actionnaires parties civiles que la situation de la société était meilleure que la réalité, ce qui a eu pour effet de surévaluer constamment le cours de l'action Sidel. Le tribunal a ainsi considéré que ce préjudice consiste en « la perte d'une chance en achetant ou en conservant des titres dont les perspectives prometteuses étaient manifestement surévaluées. Leur liberté de choix a été faussée et un préjudice direct leur a ainsi été causé ».

En outre, le jugement précise qu'ont été retenus, pour évaluer les préjudices, « les montants des surévaluations causées par les infractions » (estimés à 4,3 millions d'euros au 31 décembre 1998 et 9,1 millions d'euros au 31 décembre 1999). Mais le tribunal a refusé de tenir compte, pour apprécier le montant de l'indemnisation, celle que Sidel avait acceptée de verser aux actionnaires avec lesquels elle avait transigé avant le procès. En définitive, le préjudice subi par chaque actionnaire a été forfaitairement fixé à 10 € par action.

La décision est, sur ces divers points, remarquable.

(i) En premier lieu, la motivation du jugement traduit le souci du tribunal d'établir la relation entre les fausses informations diffusées vers le marché et la décision d'investissement des actionnaires concernés. L'on sait en effet que la jurisprudence récente de la Cour de cassation traduit une exigence renforcée de voir caractérisé le lien de causalité entre la présentation ou la publication des comptes ou des informations litigieux et l'opération réalisée par la partie civile(32).

(ii) La décision est tout aussi intéressante en ce qu'elle admet que le préjudice de l'actionnaire peut découler de la conservation de ses titres. La solution peut paraître originale. En effet, les juridictions pénales sont habituellement réticentes à admettre l'existence d'un préjudice du porteur de titres qui a acquis ces derniers avant la publication des comptes inexacts et les a conservés après cette publication(33). La doctrine n'est, de la même manière, guère favorable à la recevabilité de l'action civile dans une telle hypothèse ; elle estime que si les fausses informations comptables et financières diffusées par la société, qui lui donnent une apparence de solvabilité, font subir un préjudice aux créanciers ou actionnaires qui n'ont pu prendre les précautions propres à sauvegarder leurs droits, un tel préjudice ne peut qu'être indirect(34). Les réticences doctrinales ou jurisprudentielles sont plus grandes encore en matière de fausse information financière ou comptable relative à une société cotée : le marché boursier étant marqué par l'aléa, la formation des cours dépendant aussi de considérations parfois étrangères à la seule situation économique et financière de la société, certaines juridictions pénales ont par le passé refusé toute réparation aux investisseurs qui auraient acquis leurs titres avant la commission d'une infraction de diffusion de fausses informations et les aurait conservés après cette diffusion(35). L'on retrouve dans le jugement commenté un écho de ces réticences, lorsque le tribunal rappelle le risque par essence lié à tout investissement boursier et que cet aléa interdit aux actionnaires de prétendre que leur préjudice lié à la commission des délits de fausse information ou de présentation de comptes inexacts consisterait en toute perte de valeur de ses titres. Dépassant cependant les réticences traditionnelles, et admettant la possibilité d'un préjudice lié à la conservation des titres après diffusion au marché d'une fausse information, le jugement traduit une tendance nouvelle plus favorable aux actionnaires(36).

(iii) La solution adoptée par le tribunal, qui assimile le préjudice de l'actionnaire conduit à acquérir ou à conserver ses titres sur la foi de comptes ou d'informations trompeurs à une perte de chance revient en quelque sorte à assimiler le préjudice de l'actionnaire à une privation de l'opportunité de mieux investir son argent que de l'avoir placé dans les titres litigieux. Dans de telles conditions, l'appréciation du préjudice ne peut être que forfaitaire et détachée d'un rigoureux calcul économique. Le recours à la notion de perte de chance peut soit paraître habile(37) si l'on considère la nécessité d'accorder une protection minimale aux actionnaires confrontés à un abus de marché, soit frustrer l'observateur qui espérerait qu'en ce domaine financier, l'analyse économique soit convoquée pour sous-tendre l'appréciation de l'existence, puis l'évaluation, de l'éventuel préjudice de chaque actionnaire.

4 - L'action récursoire de Sidel contre ses dirigeants

Relevons enfin que le jugement a rejeté la demande récursoire de Sidel formée à l'encontre de ses anciens dirigeants, dont elle sollicitait qu'ils la relèvent et garantissent des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit des parties civiles. Le tribunal a estimé qu'en l'état, il n'était pas démontré en quoi les fautes commises par les prévenus « seraient dissociables du contrôle de la société » et que Sidel ne précisait pas la nature du préjudice personnel qu'elle aurait subi « alors que la société a bénéficié de la diffusion de fausses informations et de la publication de faux comptes annuels en conservant des actionnaires qui pouvaient penser que les éléments qui leur étaient communiqués étaient conformes à la réalité ». Le tribunal aurait sans doute également pu rappeler, pour écarter l'action récursoire de Sidel contre ses dirigeants, que celle-ci ne pouvait ressortir qu'à la compétence de la juridiction civile(38).

Au final, l'on pourra méditer sur la situation à laquelle aboutit en l'espèce l'action des actionnaires constitués parties civiles. Le montant global des indemnités allouées par le tribunal aux quelques sept cent plaignants, et la solvabilité vraisemblablement relative des anciens dirigeants de Sidel, laissent présager que c'est cette dernière (et donc indirectement ses actionnaires actuels) qui va supporter l'indemnisation des conséquences préjudiciables d'infractions dont, paradoxalement, elle a été déclarée victime et dont elle n'a pas nécessairement tiré profit(39).

Éric Dezeuze

1 « L'ex-patron de Sidel condamné à deux ans avec sursis » : La Tribune, 13 sept. 2006 ; « L'affaire Sidel : le véritable débat », par Colette Neuville : La Vie Financière, 13 oct. 2003 ; « Un groupe de 700 actionnaires indemnisés par la justice » : La Tribune, 14 sept. 2006 ; « Sidel contraint à indemniser 700 actionnaires » : Le Monde, 15 sept. 2006.

2 En l'espèce, l'ancien président de Sidel a été condamné, pour diffusion de fausses informations et publication de comptes infidèles, à deux années d'emprisonnement assorti du sursis simple et à 300 000 € d'amende ; l'ancien secrétaire général de Sidel a été condamné, pour présentation de comptes infidèles et délit d'initié, à dix-huit mois d'emprisonnement assorti du sursis simple et à 150 000 € d'amende ; l'ancien directeur international de la société a été condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis simple et à 50 000 € d'amende. Le tribunal a ordonné que les sanctions pécuniaires précédemment prononcées contre les prévenus par la COB pour les mêmes faits s'imputent sur les amendes qu'il leur a infligées, tant et si bien que le montant de ces amendes a été absorbé par les sanctions administratives.

3 Pour la procédure engagée contre M. O : Sanct. COB, 12 sept. 2002 : Bull. COB no 377, mars 2003, p. 3. et sur le recours formé par celui-ci : CA Paris, 1re ch., sect. H, 1eravr. 2003 : Bull. COB no 377, mars 2003, p. 13 ; Bull. Joly bourse, 2003, p. 427, § 61, note Cl. Ducouloux-Favard ; Banque et droit, 2003, no 90, p. 44, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre. Et pour la procédure engagée, sur des faits distincts, contre la société Sidel : Sanct. COB, 7 oct. 2003 : Bull. COB no 383, oct. 2003, p. 37.

4 Sanct. COB, 15 avr. 2003 : Bull. COB no 391, juill.-août 2003, p. 211.

5 Cass. crim., 1er mars 2000, Derveloy : Bull. crim. no 98 ; D. Pénal, 2000, comm. no 175, obs. Robert ; Bull. Joly Bourse, 2000, p. 443, § 92, note N. Rontchevsky ; JCPE, 2001, chr. p. 30, obs. J.-J. Daigre ; dans le même sens : CA Paris, 9e ch., 26 oct. 1999 : Bull. Joly Bourse, 2000, p. 153, § 34, note N. Rontchevsky. Voir dans le même sens, pour le cumul des poursuites et sanctions fiscales et pénales, Cass. crim., 20 juin 1996 : Bull. crim. no 268 ; 6 nov. 1997 : Bull. crim. no 379 ; 6 juin 1998 : Bull. crim.no 186 ; ou pour le cumul de sanctions pénales et de sanctions disciplinaires : Cass. crim., 27 mars 1997 : Bull. crim. no 128 ; 7 sept. 2004 : Bull. crim. no 200.

6 Cl. Ducouloux-Favard et N. Rontchevsky : « Infractions boursières : délits boursiers, manquements administratifs », éd. Joly, 1997, no 174 ; R. Koerig-Joulin, obs. sous CEDH, 25 oct. 1995 : Rev. sc. crim., 1996, p. 487 ; Fr. Stasiak : « Les cumuls de sanctions en droit boursier » : Bull. Joly Bourse, 1997, p. 191, § 20.

7 S. Guinchard : « Le Droit a-t-il un avenir à la Cour de cassation ? (Qui cassera les arrêts de la Cour de cassation ?) », in L'avenir du Droit, Mélanges en l'honneur à Fr. Terré, Dalloz, 1999, p. 761, et spéc. P. 771.

8 L'art. 14 § 1 de la directive Abus de marché du 28 janv. 2003 invite les membres de l'Union à organiser la répression administrative des opérations d'initié, « sans préjudice de leur droit d'imposer des sanctions pénales ».

9 Dir. PE et Cons. no 2003/6/CE, art. 1 § 1, 28 janv. 2003 sur les opérations d'initié et abus de marché (abus de marché) : JOUE no L 96/16, 12 avr. 2003. Cette définition reprend d'ailleurs celle que donnait de l'information privilégiée la précédente dir. no 89/592, 13 nov. 1989 sur les opérations d'initié : JOCE no L 334, 18 nov. 1989.

10 Cette même définition de l'information privilégiée est adoptée par Règl. gén. AMF, art. 621-1.

11 D. Schmidt : « Affaire Sidel, l'indemnisation des actionnaires » : D., 2006, chr. p. 2522 ; et la note de J.-Fr. Barbiéri, sur le jugement commenté : « Infraction d'affaires et action en réparation du préjudice occasionné aux actionnaires minoritaires » : Bull. Joly Sociétés, 2007, p. 132 et s, § 14.

12 Voir ainsi, dans l'affaire dite du Comptoir des entrepreneurs : TGI Paris, 11e ch., 17 déc. 1997, inédit ; CA Paris, 9e ch., 16 déc. 1998 : Juris-Data no 1998-024110 ; Cass. crim., 29 nov. 2000 : Bull. crim. no 359, p. 1060 ; Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 407, § 101, note J.-D. Bélot et É. Dezeuze ; Rev. Soc., 2001, p. 380, note B. Bouloc ; dans l'affaire dite Sedri, TGI Paris, 11e ch, 27 févr. 1998 ; CA Paris, 9e ch., 8 oct. 1999, Juris-Data no 1999-024560 ; dans l'affaire dite de la banque Pallas Stern : TGI Paris, 11eCh., 1er mars 2001 ; CA Paris, 9e ch., 6 févr. 2003, Juris-Data no 2003-220197 ; Cass. crim., 4 nov. 2004, pourvoi no 03-82777.

13 Cass. crim., 11 déc. 2002 : Bull. crim. no 224 ; Procédures mars 2003, comm. no 71, p. 23, note J. Buisson ; Bull. Joly Bourse, 2003, p. 149, § 23, note Fr. Stasiak ; Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 437, § 87, note critique É. Dezeuze. Cette décision n'a trait qu'à une constitution de partie civile devant la juridiction d'instruction, stade auquel la recevabilité de l'action civile est traditionnellement soumise à des conditions plus souples, dès lors qu'il suffit à la victime de n'arguer que de la possibilité d'un préjudice susceptible de découler directement de l'infraction : voir, notamment, Cass. crim., 9 févr. 1961 : D., 1961, p. 306 ; 8 juin 1999 : Bull. crim. no 123 et 11 déc. 2002, préc. ; 8 mars 2006 : Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 1041, § 21, note H. Matsopoulou.

14 Voir nos observations sur Cass. crim., 11 déc. 2002, préc. note 13.

15 Fr. Stasiak, obs. précitées sur Cass. crim., 11 déc. 2002, préc. note 13, spéc. p. 157. Voir aussi, B. Deffain et Fr. Stasiak : « Les préjudices résultant des infractions boursières : approches juridique et économique », in Le droit au défit de l'économie, dir. Y Chaput, Droit Économique, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 177 et s., spéc. p. 185.

16 L'on ne saurait trop recommander de se reporter à la remarquable étude de Mme C. Sonntag : « Préjudices et sanctions des infractions d'initié : approche juridique et économique », in L'organisation des dispositifs spécialisés de lutte contre la criminalité économique et financière en Europe, dir. B. Deffains & al., coll. de la Faculté de Droit et des Sciences sociales de Poitiers, 2004, p. 111 et s.

17 C. Sonntag, op. cit. note 16, spéc. p. 122 et s.

18 ... tâche quasiment insurmontable : voir nos observations sur Cass. crim., 11 déc. 2002, préc. note 13.

19 P. Aubert : « Justice opportune », La Tribune, 14 sept. 2006 ; et contra, C. Neuville, « L'affaire Sidel : le véritable débat », La Vie Financière, 13 oct. 2006.

20 Les affaires Sedri, ou Banque Pallas Stern, sont des exemples de constitutions massives de parties civiles, coordonnées par des associations de petits porteurs : voir supra, note 12.

21 ...depuis l'arrêt rendu par la Cour de cassation dans l'affaire Comptoir des entrepreneurs : Cass. crim., 29 nov. 2000 : Bull. crim. no 359 : Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 407, § 101, et la note critique de J.-D. Bélot et É. Dezeuze ; BRDA, 5/01, no 7, p. 6 ; Rev. Soc., 2001, p. 380, note B. Bouloc ; RJDA, 2001/10, no 981, p. 844 ; RTD com.2001, p. 493, note N. Rontchevsky ; RTD com., 2001, p. 534, note B. Bouloc ; voir l'affirmation du même principe dans Cass. crim., 8 mars 2006 : Bull. Joly Bourse, 2006, p. 1041, § 212, note H. Matsopoulou. L'action civile de la société contre ses anciens dirigeants poursuivis pour présentation de bilans infidèles ou diffusion d'une information mensongère a également été déclarée recevable dans l'affaire dite des Ciments Français : TGI Paris, 11e ch., 7 févr. 2002, inédit et dans l'affaire dite des comptes du Crédit Lyonnais : TGI Paris, 31e ch., 18 juin 2003, CA Paris, 9e ch., sect. A, 23 févr. 2005 et sur pourvoi, Cass. crim., 17 mai 2006 : Dr. Pénal, sept. 2006, comm. no 114, obs. J.-H. Robert.

22 Voir nos observations et celles de J.-D. Bélot sur l'arrêt de la ch. crim., 29 nov. 2000, préc. note 21.

23 Voir notamment, Cass. crim., 13 déc. 2000 : Bull. crim. no 373 ; Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 499, § 126, note J.-Fr. Barbiéri ; Rev. soc. 2001, p. 394, note B. Bouloc ; Cass. crim., 21 sept. 2001 : Dr. sociétés, 2002, no 6, note J.-H. Robert ; Cass. crim., 9 mars 2005 : Bull. Joly Sociétés, 2005, p. 959, § 228, note P. Scholer ; Rev. Soc., 2005, p. 886, note B. Bouloc.

24 Cass. com., 28 avr. 1998 : Bull. civ., IV no 139 ; Bull. Joly Sociétés, 1998, p. 808, § 263, note P. Le Cannu ; Dr. sociétés, 1998, no 115, note J. Vidal ; Cass. com., 9 mai 2001 : Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 1020, § 234, note J.-Fr. Barbièri : RTD com., 2001, p. 934, obs. T. Chazal et J. Reinhard ; et sur la notion de faute séparable des fonctions : Cass. com., 20 mai 2003 : Bull. civ., IV no 84 ; Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 786, § 167, note H. Le Nabasque ; Rev. Sociétés, 2003, p. 479, obs. J.-Fr. Barbièri.

25 B. Bouloc, note sous Cass. crim., 30 janv. 2002 : Rev. Soc. 2002, p. 350 ; voir aussi les réserves de J.-Fr. Barbiéri sur la cohérence de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation dans sa note sur le jugement Sidel : Bull. Joly Sociétés, 2007, p. 132 et s, § 14.

26 Voir la jurisprudence citée supra, note 23.

27 Cass. crim., 5 nov. 1991 : Bull. crim. no 394 ; Dr. sociétés, 1991, no 56, note H. Le Nabasque ; Bull. Joly Sociétés, 1992, p. 163, § 45, note J.-Fr. Barbiéri ; Rev. Soc., 1992, p. 91, note B. Bouloc ; Cass. crim., 30 janv. 2002 : Bull. crim. no 14 ; Bull. Joly Sociétés, 2002, p. 797, § 179, note J.-Fr. Barbiéri ; Dr. Pénal, 2002, no 73, note J.-H. Robert ; Rev. Soc., 2002, p. 350, note B. Bouloc.

28 Cass. ass. plén., 14 déc. 2001 : Bull. civ., Ass. plén. no 17 ; Bull. Joly Sociétés, 2001, p. 394, § 84, note J.-Fr. Barbièri ; JCP E, 2002, II, 10026, p. 345, note M. Billiau ;Resp. civ. et ass., 2002, chr. no 4 par H. Groutel ; Cass. crim., 20 mai 2003 : Bull. crim. no 101 : Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 1166, § 242, note Th. Massart.

29 Voir sur l'impossibilité d'appliquer C. civ., art. 1384, al. 5 à une société pour la déclarer civilement responsable des infractions commises par son président : Cass. crim., 28 mai 1980 : Bull. crim. no 160 ; 12 juin 1982 : Bull. crim. no 157 ; ainsi que Cass. crim., 20 mai 2003 : Bull. crim. no 101 : Bull. Joly Sociétés, 2003, p. 1166, § 242, note Th. Massart.

30 Cass. crim., 14 oct. 1991 : Bull. crim. no 337.

31 CA Paris, 25e ch., sect. B, 26 sept. 2003 : JCP E, 2004, p. 495, note G. de Vries ; Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 84, § 12, note J.-J. Daigre ; Bull. Joly Bourse, 2004, p. 43, § 4, note É. Dezeuze ; Cass. com., 22 nov. 2005 : Banque et droit, 2006, no 105, p. 35, obs. H. de Vauplane et J.-J. Daigre.

32 Ainsi, l'acquéreur d'une participation significative dans une société a vu déclarer irrecevable sa constitution de partie civile du chef de présentation de comptes infidèles, dans la mesure où le dossier démontrait que la publication des comptes inexacts de la société n'avait été déterminante ni dans la décision de prendre une participation dans cette société, ni dans l'évaluation des actions ainsi acquises : Cass. crim., 5 mai 2004 : Bull. Joly Sociétés, 2004, p. 1250, § 254 note J.-Fr. Barbiéri ; Dr. sociétés, 2004, no159, note R. Salomon ; RSC 2005, p. 313, obs. D. Rebut.

33 Ch. acc. CA Besançon, 16 déc. 1998, et sur pourvoi Cass. crim., 24 nov. 1999, pourvoi no 99-80.220. Voir également T. corr., Paris, 11e ch., 13 mars 2000, dans l'affaire dite Concept.

34 Voir ainsi, JF Renucci à la RSC 1997, p. 395, obs. sur Cass. crim., 24 oct. 1996.

35 Voir CA Paris, 9e ch., 15 janv. 1992 et Cass. crim., 15 mars 1993 : Bull. crim. no 113 : Banque et droit, 1993, p. 21, obs. F. Peltier ; voir aussi sur ces réticences A. Leborgne : « Responsabilité civile et opérations sur le marché boursier » : RTD com., 1995, p. 262, spéc. p. 281 ainsi que nos observations et celles de J.-D. Bélot sur l'arrêt « Comptoir des entrepreneurs », préc. note 21.

36 Cette tendance apparaît en filigrane dans l'affaire du Comptoir des entrepreneurs, voir nos observations et celles de J.-D Bélot, préc. note 21 ; voir aussi, admettant (certes au sujet d'une simple constitution de partie civile au stade de l'instruction) que le maintien de relations contractuelles entre un créancier et une société, provoqué par la présentation à ce créancier des comptes infidèles de la société, était susceptible de générer un préjudice pour ce créancier : Cass. crim., 8 mars 2006 : Bull. Joly Sociétés, 2006, p. 1041, § 212, note critique H. Matsopoulou.

37 Voir ainsi les observations sur le jugement Sidel de M. D. Schmidt ou celles de M. J.-Fr. Barbièri.

38 Cass. crim., 18 juill. 1978 : Bull. crim. no 235 ; 18 juin 1980 : Bull. crim. no 197 ; 22 févr. 1996 : Bull. crim. no 88.

39 Hors l'hypothèse d'une émission de nouveaux titres par la société, la hausse des cours (ou leur absence de baisse relative) provoquée par les fausses informations profite essentiellement aux investisseurs qui cèdent leurs titres sur le marché.

 


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